Depuis Montréal,Jean Hérode Fevrius
Le régime sanguinaire, implanté dans la colonie saint dominguoise par la métropole française, a exaspéré toute une classe d’hommes dont les conditions d’abrutissement dépassent l’entendement. L’esclave sonna le glas pour se départir des conditions inhumaines auxquelles il fut soumis. L’on se propose, de montrer à travers les lignes qui suivent, la valeur politique du Congrès de l’Arcahaie qui avait réuni les leaders noirs et mulâtres . A l’instar des États-Unis d’Amérique en 1776 et de la France en 1789, la contribution d’Haïti à l’histoire universelle consacrant la dignité de l’Homme n’est plus à démontrer.
En effet, pour comprendre les causes du mouvement de la classe des opprimés, il faut aller dans les racines des structures d’exploitation mises en place par les autorités métropolitaines. Ainsi, pour faire voler les chaines en éclat, les esclaves durent compter sur l’expertise de certains hommes de couleur, fils de maitres exploiteurs, ayant fait leurs études en Métropole. Ces derniers, victimes, eux aussi, de l’esprit de morgue de la part des blancs, finirent par comprendre que pour déloger ces privilégiés du système, l’apport des masses s’avère indispensable.
Le Pacte Colonial, outil qui consacre le rapport de dépendance entre la colonie et la métropole, traduisant les ambitions claires des autorités métropolitaines, aura donné lieu à des contradictions sociales desquelles partirent les luttes revendicatives. Les esclaves, que Jean Fouchard appelle ‘’ les Marrons de la Liberté ‘’, -véritables victimes du régime inhumain – comprirent que le glas a sonné pour saisir ce momentum.
Vers les années 1679, dans la région de la Grande Rivière du Nord, une première bande de Marrons, dont Padré Jean, fuyaient les plantations pour se réfugier dans les montagnes pour exprimer leur réprobation aux mauvais traitements qu’on leur infligeait ; comportement que les historiens appellent Marronnage : première forme de lutte de l’esclave qui allait ébranler le système.
La rencontre des Marrons, issus de tribus diverses du continent africain, facilita la tenue de cette grande réunion politique du 14 aout 1791 ayant permis le déferlement de la colère des opprimés sur les plantations, hommes et femmes blancs : le soulèvement général du 22 aout 1791, que le sociologue haïtien Laennec Hurbon appelle l’insurrection servile
Ainsi la Métropole décida- t-elle de déléguer plusieurs commissions civiles, devant l’ampleur des dégâts causés par le soulèvement général. Coincé par les évènements qui sévirent dans Saint Domingue, Léger-Féliciter Sonthonax, membre de la deuxième commission civile, accorda la Liberté générale aux esclaves le 29 aout 1793 en leur disant :« celui qui vous enlèvera ce fusil voudra vous rendre esclave», ce qui augure une lueur d’espoir par rapport aux visées révolutionnaires.
D’autre part, pendant cette même période, la liberté reste un leurre dans la partie orientale. Toussaint Louverture, l’un des plus grands diplomates de tous les temps, qui peaufina la formation militaire de son groupe (6000 hommes), fit son come back dans la partie française de l’ile contre lesquels il retourna son arme pour libérer ses congénères. En mai 1797, il devint le gouverneur de la colonie et proclama, le 3 juillet 1801, la première constitution noire. Capturé et envoyé en France, Toussaint mourut en France le 7 avril 1803.
La Trilogie du Congrès politique de l’Arcahaie
1.- Le choix d’un chef pour diriger l’Armée indigène
A travers les différentes forces révolutionnaires, le problème de leadership s’était révélé un manquement considérable, car chaque groupe arborait un étendard avec des couleurs différentes (noir et rouge; bleu et rouge; bleu blanc rouge; bleu jaune rouge). Donc, le choix d’un chef pour donner une vraie impulsion à la lutte des insurgés s’avère indispensable. C’est la raison pour laquelle les différents chefs de bande se sont réunis à l’Arcahaie, sous un figuier pour s’entendre sur le choix de Jean Jacques Dessalines le Grand comme le Patron de l’Armée indigène, avant de lancer l’assaut final à Vertières, le 18 novembre 1803. Dessalines, qui s’est fait accompagner de Louis Gabart, Bazelais, Boisrond Tonnere, avait convoqué les chefs de bande suivants pour la tenue de cette rencontre politique au sommet : Pierre Borno Lamarre, Sanglaou, Cadet, Mimi Bordes, Marion, Isidore, Laporte, Pierre Derenoncourt, Masson Dias, Petit Noel Prieur, Lamour Derance
2.- Plan de bataille pour l’assaut final
La conjonction de toutes les forces vitales, ayant réuni les grands stratèges noirs et mulâtres au Congrès de l’Arcahaie, avait transmis un message clair : Liberté ou la mort. De ce fait, sous le leadership éclairé de Jean Jacques le Grand, l’Armée indigène lança l’ultime bataille qui a vu la défaite de la plus grande armée de l’époque, l’armée napoléonienne, avec la bravoure de Francois Capoix de l’Armée indigène. C’est en vérité et en vérité une véritable épopée qui donna droit à une nouvelle société où régnèrent la justice sociale, la liberté pour tous.
3.- Cristallisation de la création du Bicolore
Selon certains historiens, depuis février 1803, le Grand Soldat national, Jean Jacques Dessalines avait déjà procédé à la création du Bicolore national mais la cérémonie officielle a eu lieu lors du Congrès politique que l’on considère comme le Premier Contrat Social haïtien.
Tout compte fait, le Congrès de l’Arcahaie, tenu du 15 au 18 mai 1803, joue un rôle prépondérant dans le processus de la libération nationale aboutissant à l’édification de la nouvelle société haïtienne. Arcahaie, le lieu où naquit la Nation haïtienne, a dit l’historien Louis Joseph Janvier, détient une place de choix dans le concert national. En ce moment critique de notre existence, il est d’une grande nécessité de nous ressourcer en rééditant 18 mai 1803. Le 13 novembre 2005, pendant la transition conduite par l’administration Boniface-Latortue, un nouveau Contrat Social a été signé à l’Arcahaie, sous les auspices du groupe 184, emmenés par André Apaid, Charles Henri Backer et consorts. Cette cérémonie était empreinte d’un symbolisme très fort, mais en réalité ce n’était que de la poudre aux yeux. Haïtiens, haïtiennes, jeunes et moins jeunes mettez-vous au travail afin de préserver les acquis des héros de 1804, sinon l’histoire vous jugera.
Catégories :SOCIÉTÉ
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