Par Naldo jean
Le pénitencier national comme d’autres prisons civiles dans les 18 juridictions du pays est considéré comme un véritable mouroir, antichambre de la mort. Famine, tuberculose, Sida, choléra, manque de soin et déshydratation, les détenus côtoient la mort au quotidien. La situation s’envenime de jour en jour. Au moins 80 détenus ont succombé de janvier à septembre 2022, selon le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH).
Les espaces sont congestionnés, l’air ne circule plus. Les détenus coexistent dans des cellules surpeuplées et mal éclairées, sans ventilation adéquate. Ils sont dépourvus d’eau potable et d’installations sanitaires. Des prisonniers défèquent dans des sceaux qui ne sont pas régulièrement vidés.
Le pénitencier national de Port-au-Prince a toujours été l’un des pires endroits du pays. Une immense bâtisse, blanche, bleue, sale, d’une vétusté accentuée par les traces du séisme de 2010. Une surpopulation carcérale intenable, des milliers de détenus pour 700 places, moins de 0,4 m2 par homme, dont 10 % sont atteints de tuberculose. C’est aussi une prison d’innocents, puisque huit personnes sur dix y sont maintenues en détention préventive prolongée.
Depuis quelques mois, les conditions de détention se sont aggravées, avec des ruptures fréquentes dans l’alimentation de la population carcérale. Certains détenus ont tellement faim qu’ils grattent les murs et mangent la terre. Selon Pierre Espérance, Directeur Exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains, le blocage du Terminal Varreux par l’organisation criminelle G9 an fanmi e alye, l’insécurité généralisée et la situation de tension qui sévit dans tout le pays est à la base de cette situation. « Du 2 au 5 octobre 2022, pas moins de 14 détenus sont décédés au pénitencier national dont 8 ont été enregistrés dans la nuit du 4 au 5 », informe Pierre Espérance.
Sur les réseaux sociaux, les vidéos réalisées à l’intérieur même du pénitencier national sont glaçantes et font froid dans le dos. Les images montrent les corps inertes de détenus décédés la veille ou depuis quelques jours. Faute de moyens, les prisonniers sont parfois obligés de cohabiter avec les cadavres comme compagnons de cellule. Des vidéos ont même été censurées par les géants des réseaux sociaux compte tenu de leur degré de sensibilité.
Avant la prise de fonction de l’ancien commissaire du gouvernement Jean Danton Leger, les agents contentaient de jeter leurs cadavres dans une fosse commune.
« Du 6 au 7 octobre 2022, 6 prisonniers ont perdu la vie. Ils s’appellent Pierre Jean Renold (B2)- Michelet Corneil (B5)-Robenson Etienne (T22)- Jean Baptiste Wilton (B8)- Gusman Methelus (CTC)- Renel Gabriel ( CTC) », informe l’avocat Arnel Remy, porte-parole du Collectif des avocats pour la défense des droits de l’homme « CADDHO ».
Sida, tuberculose, malnutrition…
Dans le dispensaire du pénitencier, la pharmacie est presque vide. Les moyens manquent aux soignants qui ne viennent presque plus en raison du transport en commun complètement paralysé depuis plus de 4 semaines. Le peu de soignants qui viennent, se consacrent au traitement des malades de la tuberculose et du sida. Certains détenus sont si diminués qu’ils ne peuvent pas prendre leurs médicaments.
Fournisseurs aux abois
Les fournisseurs de produits alimentaires sont dépassés par les évènements. Comme toutes les entreprises du pays plus précisément de la région métropolitaine de Port-au-Prince, ils sont frappés de plein fouet par la pénurie du carburant. « Aussi, l’Etat accuse souvent des retards dans le paiement des fournisseurs », précise le responsable du RNDDH.
Il y a quelques jours, sur les réseaux sociaux, des acteurs de la société civile ont fait appel à une levée de fonds en vue de voler au secours des prisonniers de Pénitencier national. Des fonds et des produits alimentaires ont été collectés. Mais, peu suffisant pour secourir la population carcérale qui compte des milliers de détenus.
Dans la prison civile de Jacmel, la situation est d’autant plus catastrophique. De janvier à septembre de l’année en cours, 17 détenus sont déjà morts. Le 3 septembre 2022, la presse a été alertée par des responsables d’organismes de défense des droits humains pour la mort des détenus Tombeau Dieuvè et Ossé Ferdinand. 24 heures auparavant, soit le 2 septembre, les détenus Jean Pierre Duralson et Sanon Lifène succombaient à la prison civile.
Dans un communiqué en date du 28 septembre, l’Office de la Protection du Citoyen (OPC) s’est insurgé contre les conditions de détention dans les prisons civiles haïtiennes causant la mort d’au moins douze détenus. L’OPC qui a tiré la sonnette d’alarme en prévenant que si des dispositions ne sont pas adoptées dans les plus brefs délais, la situation risquera de se transformer en catastrophe humanitaire, invite les parents des prisonniers décédés “à ouvrir la voie à des recours contre l’État par devant les Instances régionales et internationales relatives aux droits de l’Homme dans une perspective de réparations pour violations graves de droits humains”.
Déjà 80 morts de janvier à septembre
Intervenant à un média de la capitale, le directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH), Pierre Espérance a fait savoir que plus de 80 détenus sont déjà morts dans les prisons civiles en Haïti de Janvier à septembre 2022 au niveau des 18 juridictions. Un chiffre qui risque d’alourdir en raison des conditions hygiéniques déplorables, s’alarme le responsable.
Les autorités étatiques n’ont toujours pas communiqué sur les mesures qu’elles comptent prendre en vue de freiner cette catastrophe humanitaire qui se profile dans les prisons civiles d’Haïti. Les esprits sont plutôt ailleurs. L’heure est à l’intervention d’une force étrangère.
Naldo Jean
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